samedi 12 mars 2016

La méditation selon Vipassana

Avant de partir en voyage, Caro, copine de Bordeaux, m’avait parlé de son propre voyage en Asie et de son passage par Vipassana, une technique de méditation indienne et ancestrale. Il existe des centres Vipassana un peu partout dans le monde, qui proposent des stages intensifs de 10 jours pour apprendre la technique. Caro m’a prévenu que le stage était très difficile mais intéressant, donc je me suis inscrite !

Je me rends donc au Dhamma Mahima, près de Pyin Oo Lwin, pour prendre part au stage. J’avais conscience que la discipline était contraignante donc je m’étais préparée psychologiquement à fournir des efforts. En gros, les règles sont  
 *  Lever à 4h
11h de méditation par jour
*  Pas de nourriture après 12h
*  Pas de cigarette (contrainte qui m’inquiétait le plus)
*  Pas de communication avec l’extérieur
*  Pas de distraction (livres, musique, ordinateur, téléphone,...)
*  Pas de communication entre les stagiaires

 

Arrivée au centre la veille du début des cours, il y a environ 120 participants, seulement 7 étrangers et ¾ de femmes. Il ne s’agit pas d’un beau temple comme je l’imaginais mais d’un alignement de petits bungalows en béton. La salle de méditation est également en béton, murs nus et austères, comme la salle des repas. Il y a une jolie pagode un peu plus loin, mais l’accès est réservé aux anciens élèves. Pour le côté mystique du temple bouddhiste, c’est loupé… Avant le premier cours, nous devons remettre tout objet électronique (du coup, pas de photo, désolée…), livres, bijoux, passeport, portefeuille,… Bref tout sauf les vêtements et la trousse de toilette.

A 18h, diner, puis nous participons au premier cours. Assis en tailleur sur un petit coussin, nous écoutons le prof passer une cassette audio qui nous demande de répéter après lui un texte dans une langue inconnue. Nous ne comprenons pas le contenu mais il s’agit d’un prêtage de serment. Niveau échange avec le prof, c’est moyen… Puis, la cassette audio nous donne les consignes : il faut focaliser son attention sur sa respiration, essayer de savoir si l’air passe dans la narine gauche ou la droite. Pas évident, mais au bout d’un moment on y arrive ! 2h de pratique plus tard, au lit, en silence.

Le lendemain, lever à 4h donc et la journée se déroule selon le planning… en silence. Hormis les 2 repas, le discours de la cassette audio le soir et les temps de pause où on ne peut rien faire à part dormir ou marcher entre les bungalows, c’est méditation toute la journée ! Pas de nouvelles consignes, il faut focaliser son attention sur sa respiration. 11h à penser à ses narines, c’est long… 
L’ambiance est étrange : nous sommes censés nous sentir isolés, en repli sur soi, mais le centre est tout petit et nous sommes 120 participants (2 personnes par bungalow de 5m2). Nous ne devons pas nous parler ni même échanger un regard. Une telle promiscuité sans avoir le moindre échange me met très mal à l’aise.
Mais focaliser son attention vide le crane, c’est plutôt relaxant et pour le moment j’arrive à suivre. Attendons la suite.

Jour 2, identique au jour 1. Excepté que les consignes de la cassette audio précisent qu’il faut essayer de sentir le toucher de l’air sur sa peau. A la fin de la journée, début de mal de dos, de mal de jambes et grosse fatigue d’avoir maintenu son attention toute la journée. Et aussi début d’ennui parce qu’on arrive assez rapidement à ressentir ce qu’on nous demande, de plus en plus facilement, et que je vois mal l’intérêt de répéter sans cesse le même exercice.

Jour 3 : une nouvelle consigne, en plus de la respiration, il faut essayer de ressentir toutes les sensations au niveau de son nez. A cause de la fatigue et des douleurs physiques, il devient difficile de rester concentrer. D’autant qu’apparemment le régime alimentaire ne convient pas à tout le monde, ce qui génère bruits et les odeurs dans la salle de méditation. Et à part méditer, il n’y a absolument rien à faire ! Le pire pour moi est que nous devons effectuer le même exercice heure après heure sans avoir aucune explication de pourquoi nous faisons cela, pourquoi si longtemps, pourquoi toutes ces contraintes ! Mais bon, patience…

Jour 4 : après m’être à nouveau concentrée sur mon nez tout la journée, je commence à me demander ce que je fais là, à me sentir fatiguée et vaguement déprimée. Enfin, le discours du soir nous explique que maintenant que nous avons appris à focaliser notre attention (c’était donc ça !), nous pouvons commencer la VRAIE pratique de Vipassana. Chouette ! Cela  consiste à… faire exactement la même chose mais sur la totalité du corps, pour ressentir les différentes sensations. Contrainte supplémentaire : il est désormais interdit de changer de position pendant les 3 sessions de groupe journalières, qui durent 1h chacune. Le monsieur explique que c’est de cette façon, en travaillant avec obstination et en s’abstenant de réagir aux sensations physiques (joue qui gratte, mal de dos, fourmis dans les jambes parce que le sang ne circule plus) que « les lois universelles de la nature » se révèlent à nous et qu’on atteint « la purification de l’esprit ». Je suis un peu septique mais bon, je vais me coucher sur ma planche en bois recouverte de 2cm de mousse, et j’essaierai demain.

Jour 5 : lever 4h, toilette au seau d’eau froide, début de la méditation à 4h30. Si on parvient à faire abstraction de la douleur physique, c’est plutôt intéressant de balayer son corps de la tête aux pieds et d’en ressentir toutes les sensations ! Je peux sentir le sang circuler dans le bout de mes doigts ou la pression de l’élastique de mon pantalon !
Mais après 2h, impossible de rester concentrée. Il est interdit de bouger, de sortir de la salle, de faire quoi que soit… Je cogite, je me sens fatiguée et franchement déprimée, j’ai du mal à comprendre l’intérêt final du stage, d’autant que le discours tenu par le monsieur de la cassette me parait plein d’incohérences, et le prof ne parle pas assez bien anglais pour fournir des explications. Apprendre à méditer, faire des efforts pour y parvenir, OK. Mais cette espèce de pénitence qui consiste à accepter sa souffrance dans le but obscur de « purifier mon esprit », non merci… Bref, je me rends compte que ça ne va pas être possible de continuer encore 6 jours à ce rythme. 
Après 4 jours d’efforts acharnés pour focaliser ma pensée, je décide de quitter le centre, avec mal au dos, mal aux jambes, mal au ventre et franchement perturbée par cette expérience… Peut-être que j’ai loupé tout le sens de l’enseignement et que je suis passée à côté de la vérité universelle…


J’ai tout de même appris une technique de méditation plutôt agréable et relaxante, si elle est pratiquée avec un rythme raisonnable. Et gros point positif, j’ai passé tellement d’énergie à observer mes narines que je n’ai même pas pensé à mon manque de nicotine !

7 commentaires:

  1. c'est mon article préféré !! jojo

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    1. Ah oui, pourquoi ?
      Moi c'était pas ma partie préférée...

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  2. s'attaquer à Vipassana sans avoir jamais rien tenté du côté du yoga ou de la méditation "soft", le pari était risqué, mais courageux! tenir 4 jours c'est déjà un exploit! le positif c'est que tu en a retiré quelques "trucs" pour te centrer sur toi même. Très précieux dans la vie occidentale!! J'espère que les douleurs se sont atténuées......quant au centrage sur le nez et les problèmes de digestion, y a pas un petit lien ? :))M.

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  3. Hello Choup
    Je vais mieux, j'ai pu rattraper mon retard de lecture de ton journal. Quand on voit des photos de voyage on oublie souvent les nombreuses heures de transport et d'attente qu'il y a derrière. ça transparait bien dans ton blog, c'est bien. Difficile aussi de relater les rencontres que l'on fait mais c'est normal c'est plus intime.
    En tous cas, apparemment, tu as été servie pour les 2.
    Tu m'as tué avec ton stage de méditation.
    Moi qui ai du mal à tenir une position assise plus de 10 minute au yoga, je me demande encore comment tu as pu tenir 4 jours à ce régime.
    C'était un peu de la folie. Bravo miss zen.
    Y'a un truc qui me choque quand même, c'est de se forcer à tenir la position même quand la circulation du sang est bloquée. La prof de yoga nous dit toujours que quand la douleur arrive il ne faut pas insister.
    J'ai cru comprendre que tu allais en Indonésie après. C'est vrai ?
    Bisous

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